Les vestiges du jour

J’ai eu envie de vous parler d’un magnifique roman que j’ai lu récemment grâce à une amie qui en avait gardé un souvenir émouvant…En effet, ce livre m’a à la fois émue, révoltée et bouleversée… à vous de voir…et bonne lecture!

Michèle Ronney

LES VESTIGES DU JOUR de Kazuo Ishiguro

 Le  5 octobre 2017, le prix Nobel de littérature était décerné à l’écrivain britannique d’origine japonaise Kazuo Ishiguro.    Kazuo Ishiguro, né à Nagasaki le 8 novembre 1954,« a révélé, dans des romans d’une grande force émotionnelle, l’abîme sous l’illusion que nous avons de notre relation au monde », déclarait à  cette occasion la secrétaire perpétuelle de l’Académie suédoise, Sara Danius.

Écrit en 1989, « The Remains of the Day » récompensé par le Booker prize de la même année et traduit de l’anglais en français par Sophie Mayoux, a été porté à l’écran par le réalisateur américain James Ivory; cette talentueuse production est magnifiquement servie par une brillante distribution  avec, notamment Anthony Hopkins et Emma Thompson, mais malgré la réussite de ce film, je conseillerais de découvrir le roman avant de voir éventuellement son adaptation…l’imaginaire de chacun d’entre nous est si riche qu’il ne faut jamais s’en priver!

Le Roman: 

Dès les premières pages du roman, on est frappé par l’extraordinaire écriture de Ishiguro : un alignement de mots d’une précision méthodique, l’art du détail et de la finesse sans doute poussés à l’extrême, tout comme chacun des gestes et chacune des certitudes de ce maître d’hôtel qui se confondrait  avec le roi d’une aristocratie anglaise tombée à la fois en ruine et dans une désuétude pathétique. 

Pendant que l’Histoire, la « grande » fait semblant de se jouer dans les salons encaustiqués d’un château en déroute, et que résonnent les premi2B61008C-BEC2-4823-A849-57DD204ED033ères salves nazies, Stevens,(le Maître  d’Hôtel) personnage magnifique et narrateur de sa propre histoire, cherche presque obsessionnellement la « dignité »en construisant jour après jour l’image tragique d’une vie gâchée. 

C’est avec une espèce d’insolente dominance qu’il se plie et surenchérit les protocoles et étiquettes des allégeances dues à la haute société anglaise. Aucun questionnement, aucune réflexion ne viendra fissurer cette vie entièrement vouée à l’obéissance à tout prix. Son aveuglement symbolise non seulement celui d’une époque, mais sans doute également notre propre inconscience, nous qui acceptons, sans insoumission probante, notre servitude sociale. 

Car quelle différence entre le respect de Stevens envers les règles imposées par sa condition – qui ne sera jamais remise en question – et notre soumission actuelle au Capital et à la soi-disante doxa des « lois du marché » ?

Mais au delà de cet aspect politique puissant de l’œuvre, c’est également la bouleversante histoire d’un amour bâillonné, rejeté, terrassé, qui restera longtemps dans l’esprit du lecteur : un amour que la mémoire faussement défaillante de Stevens réduit à quelques événements anodin, s’étalant sur plus de 30 ans, et qui laisse à la fin, un amer goût de cendres. 

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