A – Livres lus pour vous.

Chanson douce

Chanson douce de Leïla Slimani  (Prix Goncourt 2016)

Si certains imaginent que les femmes n’écrivent que des histoires à l’eau de rose, ils se trompent lourdement, et ce n’est pas « Chanson douce » de Leïla Slimani qui leur donnera raison!

En effet, de Mary Shelley et son monstre prométhéen Frankenstein  (1818) à Shirley Jackson, en passant par Ann Rice et bien d’autres, ces dames n’ont rien à envier à Stephen King où John Irving…

« Chanson Douce » de Leïla Slimani, prix Goncourt 2016, fait partie de ces œuvres littéraires dont on se souvient…longtemps.

Pas de surprise : dès les premières lignes, on apprend que la  « nounou » a assassiné les deux enfants que leurs parents lui avaient confiés.

À partir de ce crime odieux, le lecteur va remonter le chemin à l’envers, comme un chemin de croix, de pierres et de ronces…

Dans ce monde qu’on exige de plus en plus aseptisé, que sont devenues les relations humaines, les rapports parents-enfants…quelle place pour la famille…quels espaces pour le travail…de quelle société a-t on envie, et à quel prix?

Grâce à un style rapide, des phrases courtes, un vocabulaire clair et sec, l’auteure tient le lecteur en haleine, à la manière d’un roman policier: une vraie réussite littéraire…

Mais attention : âmes trop sensibles, s’abstenir ou ne pas oublier qu’il s’agit d’une fiction et du grand talent de Leïla Slimani !

Fille d’une mère d’origine alsacienne et algérienne devenue l’une des premières femmes médecins du Maroc, et d’un père banquier et ancien secrétaire d’État chargé des Affaires économiques, Leïla Slimani est née le 3 octobre 1981 à Rabat au Maroc. 

Après son bac en 1999 passé au lycée français Descartes à Rabat, elle part suivre des études littéraires à Paris ; puis elle obtient un diplôme en Sciences Po ; passionnée de théâtre, elle suit le cours Florent pour devenir comédienne; elle se tournera ensuite vers les médias en poursuivant des études à l’École supérieure de commerce de Paris,

Pluie et vent sur Télumée Miracle

Capture 2« Pluie et vent sur Télumée Miracle » un roman de Simone Schwartz-Bart

« En faisant le récit de son histoire, on ne la revit pas on la recrée” (Boris Cyrulnick).

La mémoire n’est pas une simple résurgence du passé mais le tissage sélectif dans lequel l’empreinte qu’ont laissé certains événements sur notre subjectivité et notre affectivité sert de matériau à l’imaginaire.

C’est un très beau roman que je vous propose de découvrir et que je vous encourage à lire : une magnifique page de poésie ouverte sur un monde plein de surprises…de soleil et de pluies, de vents et de parfums…de tempêtes et de cyclones…La Guadeloupe comme vous ne la connaissez peut-être pas…

Le roman de Simone Schwarz-Bart, Pluie et vent sur Télumée Miracle, se présente comme le récit autobiographique d’un personnage narrateur, Télumée.

En se penchant sur l’histoire de la vie d’une jeune paysanne guadeloupéenne, l’auteure explore les liens entre mémoire individuelle et mémoire collective – une mémoire inscrite dans la mémoire des lieux.

La quête identitaire de Télumée qui constitue l’axe du roman est inséparable de la question de l’individu et du rapport au monde  « L’homme et le monde sont liés comme l’escargot et sa coquille » (Milan Kundera)

Et faisant le récit de son histoire individuelle, Télumée, s’interroge également sur l’ histoire de son peuple:

“Il y a bien longtemps que j’ai laissé ma robe de combat [ … ] je reste sur mon petit banc […] à chercher mon temps à travers la fumée de ma pipe, à revoir toutes les averses qui m’ont trempée et les vents qui m’ont secouée”.

“ […] je pense à ce qu’il en est de l’injustice sur la terre, et de nous autres en train de souffrir, de mourir silencieusement de l’esclavage après qu’il soit fini, oublié”.

Si Pluie et Vent sur Télumée Miracle a été qualifié – notamment par Patrick  Chamoiseau  – de texte incontournable de la littérature antillaise, c’est également parce que ce roman inscrit magnifiquement et poétiquement le rapport entre oralité et écriture.

« Chez les Antillais, peuple d’origine africaine, la fonction de la mémoire est liée à l’oralité. Pendant la période de la traite, les esclaves antillais sont parvenus à se rattacher à leurs racines africaines en créant la langue créole pour pouvoir communiquer entre eux. C’est la nuit, après le travail dans les champs de canne, que l’on se transmettait l’histoire des généalogies, d’où l’expression “parole de nuit”. Cette “parole de nuit” “a fourni la base de la désaliénation de l’esclave; elle a permis à l’Antillais de résister au système d’assimilation mis en place par le colonialisme. (Edouard Glissant).

Bonne lecture !

LES DÉTECTIVES DU YORKSHIRE

Capture 1J’ai été imaginé par Julia Chapman, avec pour théâtre d’actions les Vallons du Yorkshire, dans le nord de l’Angleterre, plus particulièrement une petite ville de 3 000 habitants Bruncliffe, elle aussi créée pour la circonstance.

L’auteure ne craint pas de m’épuiser car elle me met en scène dans six romans … pour l’instant.

Sur la Royal Enfield Bullet 500 de 1960, moto « empruntée », volée disent les bonnes âmes de Bruncliffe, à mon père des années auparavant, lorsque celui-ci tombé dans l’alcool m’a chassé de la maison, je retrouve Bruncliffe après un très longue absence, au grand dam de ses habitants peu enclins à me voir de retour, moi le fils honni.

Des visages hostiles à mon arrivée. Je découvre Delilha Metcalfe, l’adolescente maigrichonne de mes souvenirs muée en belle et sportive jeune femme. La seule personne du village que j’avais envie de revoir. Heureux je me tourne vers elle juste à temps pour saisir l’image floue d’un poing, son poing, volant vers ma mâchoire et m’expédiant au tapis.

Bienvenue au pays !

Après une carrière bien commencée dans la police comme agent infiltré donc dans le danger permanent, bien noté de ma hiérarchie, mais victime d’une cabale, suspendu de mes fonctions, c’est pourtant à Bruncliffe que je décide d’ouvrir mon agence de détective privé, sans le savoir dans l’immeuble où Delilha Metcalfe exerce elle-même pour son agence de rencontres pour célibataires endurcis.

Julia Chapman, l’auteure, au fil de ses inspirations me fait résoudre des dizaines de situations, des meurtres, des vols, des escroqueries … mettant à profit mon expérience de policier, sans m’éviter d’être moi-même soupçonné d’assassinat, entre autres et toujours sous la menace d’une procédure disciplinaire qui m’inquiète. Même avec la confiance de mon ex-chef direct, pourrais-je être blanchi de ce coup monté par certains, sans doute membres du corps de la police ?

Tout cela en protégeant Delilha de ceux qui voulaient ma perte; Delilha qui malgré sa méfiance à mon égard, prenait une part déterminante dans la résolution de mes nombreuses enquêtes en raison de sa proximité, de ses compétences informCapture2atiques et de son intuition.

Mes sentiments de jeune homme à son égard, se sont renforcés par cette vie professionnelle menée à deux. Était-ce réciproque ? En tout cas au fil des romans de Julia Chapman, je n’arrive pas à lui avouer mes sentiments, car si je lui ai dis une fois que je l’aimais, au moment où nous allions mourir de froid dans la chambre froide de ces misérables voleurs de moutons assassins, elle était inconsciente…

Cher lecteur vous souhaiteriez que je vous raconte une de mes enquêtes pour vous allécher et vous inciter à lire tous ces romans. Impossible. Je ne peux choisir celle qui vous intéressera, vous et vous, le plus.

D’ailleurs, après la lecture du premier roman Rendez-vous avec le crime, vous en saurez déjà plus que moi sur cette histoire dans l’histoire que Julia Chapman écrit dans mon dos. D’après ce que l’on me dit, elle implique Rick Procter un richissime promoteur immobilier.

Rick Proter, c’est lui qui a dépouillé mon père de sa ferme achetée à vil prix. Nous ne nous apprécions pas du tout, d’autant qu’avec sa gueule de beau gosse il cherche à séduire Delilha. Il est admiré lui de tout Bruncliffe pour sa réussite. Me faudra-t-il attendre le 7eme roman pour savoir si j’ai pu le confondre pour ses turpitudes, ses manières de gangster, ses crimes, tout cela commis pour le compte de dangereux mafieux bulgares.

Si la partie de chasse organisée pour eux me donna l’occasion de résoudre les circonstances de la mort brutale du Maire de Bruncliffe, l’associé de Rick Procter, les incita à repartir dans leur pays, on n’en aura sans doute pas terminé avec eux.

La romancière n’en finit pas, en bonne anglaise qu’elle est, de me faire partager et boire des mugs et des mugs d’un thé trop fort pour moi, habitué que je le suis par la boisson nationale du sud. C’est un de ses défauts. De plus elle me fait partager la vedette, avec Delilha certes mais aussi avec Calimero son chien, collant d’amour pour elle, mais qui m’a adopté. Il est de toutes les situations, mais je passerai sur sa propension à émettre des flatulences totalement insupportables pour peu qu’il boive de la bière, en le remerciant de nous avoir sauvé la vie.

Lecteur, lire mes péripéties te repose j’en suis sûr, de tes lectures habituelles, telles la vie de Wiston Churchill, le dernier bouquin d’Alain Duhamel et celui d’Hubert Védrine qui sont sur ta table de chevet.

Samson O’Brien

LES DÉTECTIVES DU YORKSHIRE (6 romans et bientôt 7)

de Julia Chapman

  • Rendez-vous avec le crime

  • Rendez-vous avec le mal

  • Rendez-vous avec le mystère

  • Rendez-vous avec le poison

  • Rendez-vous avec le danger

  • Rendez-vous avec le crime

  • Rendez-vous ….

Le Rêve du Celte

Dans  Le Rêve du Celte Mario Vargas Llosa met en scène Roger Casement .

Pour vous présenter ce livre, je vous parlerai donc  de l’homme dont il est question, l’irlandais, le celte  Roger Casement.

Roger Casement est né près de Dublin (Irlande) en 1864. Subjugué par les histoires que lui racontait son père, le Capitaine Casement, sur l’Inde, l’Afghanistan et tout ce que recelaient de secrets, de trésors et de bêtes sauvages les pays exotiques aux confins de l’Empire, dès qu’il sût lire, le jeune Roger se passionna pour les aventures des grands aventuriers et se promit de devenir lui-aussi, quand il serait grand, un grand explorateur à l’instar de ses héros , le Docteur Levingston et Henry Morton Stanley…

Devenu Diplomate au service de l’empire britannique et de sa Gracieuse Majesté Victoria, il représentera la Couronne dans plusieurs pays d’Afrique (Nigeria, Mozambique, Angola), avant d’être nommé Consul en 1900, dans l’Etat indépendant du Congo, placé sous la tutelle du roi des belges Leopold II.

Le jeune diplomate de 36 ans découvrira et établira en 1904, un rapport  dans lequel il dénonce les atrocités et les exactions criminelles perpétrées « par les agents du roi » sur les travailleurs locaux dans le cadre de l’exploitation du caoutchouc.68AE60B8-23F2-431D-B4E2-415D121657B5

Roger Casement retrouve son Irlande  natale en 1904, puis sera de nouveau mandaté en 1910  en Amérique latine par le Foreign Office, dans le cadre d’une commission d’enquête sur les conditions inhumaines avec lesquelles sont traitées les populations indiennes asservies à la collecte du latex par la Peruvian Amazon Company (PAC).

Casement arrive en août 1910 à Iquitos ( Amazonie péruvienne) et remettra son rapport final au Foreign Office en février 1912.

Roger Casement continuera, à titre privé, de se préoccuper des Indiens du Putumayo en collaborant avec des organismes caritatifs.

En 1911, il est anobli par le nouveau roi Georges V pour services rendus à la Couronne au Congo et en Amazonie…

Il rentre en Irlande d’où son état de santé dégradé ne lui permet plus de repartir; et c’est alors qu’il prend fait et cause en faveur des nationalistes irlandais.

Au début de la première guerre mondiale, il essaye de former des brigades irlandaises et tente de convaincre l’Allemagne (ennemie de l’Angleterre) de livrer des armes à l’IRB (Irish Republican  Brotherhood)*

Les armes promises n’arriveront jamais en Irlande et Casement est arrêté et emprisonné par les anglais dès son retour.

Accusé de haute trahison, Roger Casement est pendu dans la prison de Pentonville, à Islington ( grande banlieue de Londres) le 3 août 1916.

En 1965, à la demande du Gouvernement de Dublin, la dépouille de Roger Casement a été exhumée du cimetière de la prison de Pentonville et transférée dans la capitale irlandaise. Le 1* mars 1965, sa patrie lui  fait des funérailles nationales.  Trente mille personnes assistèrent à la cérémonie.

De nombreux lieux en Irlande portent le nom de Roger Casement (aéroport ou  stade…).

* IRB= Fraternité républicaine irlandaise : ce fut une organisation révolutionnaire républicaine irlandaise, fondée en 1858, en même temps (le 17 mars) à Dublin par James Stephens et à New York par John O’Mahony ; elle fut intégrée à l’Irish Republican Army (IRA) en 1924.

L’auteur : Mario Vargas Llosa

Mario Vargas Llosa est un écrivain péruvien, naturalisé espagnol, né en 1936 à Arequipa (Pérou).

Il est considéré comme l’un des plus grands noms du « boom » de la littérature latino-américaine des années 60.

L’écriture de Vargas Llosa est remarquable pour ses recherches stylistiques et  la force de ses analyses  psychologiques et sociales.

Les personnages de ses romans sont inséparables du climat et du cadre culturel, historique et géographique dont ils sont issus.

Ses récits débutent par des situations extrêmes qui plantent les  décors  d’un environnement oppressant, cadenassant les personnages dans une sorte de destin inexorable.

Les pouvoirs politiques occupent la plus grande place de son œuvre et dans ses fictions, ces pouvoirs apparaissent comme l’allégorie du pourrissement moral d’une société marquée par la violence et le sexe.

Le rêve du Celte est le troisième roman d’une trilogie que l’auteur a consacrée à la lutte contre les oppressions : celle du fascisme de Leonidas Trujillo (président-dictateur dominicain) dans « La fête au bouc » et celle du machisme tribal avec « Le Paradis-un peu plus loin ».

Avec le Rêve de ce Celte, Mario Vargas Llosa nous propose à la fois un roman, un « grand livre d’histoire »(Rudy Lecours) et la  biographie de Roger Casement.

Évitant toute forme de pathos malgré des descriptions précises des pires sévices subies par ces esclaves au service du colonialisme, le style de l’auteur garde une certaine distance qui lui garantit, de mon point de vue, une réelle authenticité.

Quelles que soient vos envies en matière de littérature, « Le rêve du Celte » fait certainement partie de ces ouvrages qu’il faut absolument avoir lu…

Nicolas Bravin

L’archipel du chien

L’archipel du chien de Philippe Claudel

Que ce soit en littérature ou au cinéma, Philippe Claudel est, on peut le dire, un coutumier des prix et statuettes : Prix Goncourt et Renaudot, César du meilleur premier film, British Academy Film Award et autres nombreuses nominations; quand on aime, on ne compte pas!…et on aime, et 1AB971CD-6A4B-43F3-AC13-40CA4347764Eplus précisément j’ai beaucoup aimé cet « Archipel du Chien » que je vous propose.

Ça commence à la manière d’une parabole; banal me direz-vous, sauf que dès le début, cet archipel noir et volcanique n’a rien d’une île paradisiaque et le chien ne ressemble pas vraiment au toutou à sa mémère ! 

Pourtant, vous ou moi, ou vous et moi aurions-nous  pu voir le jour au pied du Brau (le volcan) et serions-nous allés à l’école de celle qu’on appelle maintenant La Vieille, parce qu’elle a du récemment abandonner à regret ses chers petits élèves aux mains de ce jeune instituteur.

Il ne se passe jamais grand-chose ici. La vie s’écoule sûrement entre mer et volcan, entre port et mairie. 

La petite communauté insulaire ressemble aux autres petites communautés insulaires…ou pas: le maire, le docteur, le curé, l’instituteur et les autres…

Alors, quand brusquement la mer vous rejette trois cadavres sur la plage, évidemment ça fait désordre et la tranquille indifférence au monde de cette petite société nombriliste perd l’équilibre.

Vivre paisiblement, mollement, le plus loin possible des bruits du reste des autres et des drames qui déchirent le genre humain; s’abriter des convulsions individuelles ou collectives et surtout bien fermer les yeux et les oreilles, comme ces singes qu’on disait sages et qui sont en voie de disparition…

Avec son Archipel du Chien, Philippe Claudel nous offre un roman dont l’écriture fluide sera aisée à lire pour tous; avec une sorte de polar philosophique qui vous tiendra en haleine jusqu’à la dernière ligne, l’écrivain nous tend un miroir édifiant qui pourrait bien être profitable à notre propre condition.

Marina Buffet

Le Crépuscule et l’aube

Le Crépuscule et l’aube

Nous sommes en 997, Ken Follet nous entraine dans l’histoire violente de Cherbourg et de l’Angleterre comme il sait si bien le faire, à travers les aventures d’Edgar l’anglais de Combes, Ragna de Cherbourg, Aldred le moine, WilwuCapturelf et sa famille noble assoiffée de pouvoir…

Cette épopée passionnante précède « les piliers de la terre » et se lit d’une traite !

Les destins se croisent, s’opposent violemment au fil des années.

Le roi anglais Ethelred a bien du mal à asseoir son autorité sur les nobles qui n’en font qu’à leur tête et refusent de se soumettre à ses décisions. Les razzias des Vikings affaiblissent son pays… Le comte de Cherbourg pourrait-il être son allié ?

Aldred, le moine copiste, poursuit son idéal et rêve de faire rayonner son abbaye sur la chrétienté mais il se heurte à des prêtres dépravés.

Avec Edgar, le constructeur de navires, Ragna de Cherbourg, femme forte intelligente et séduisante, son époux Wilwulf , les paysans, les artisans, nous découvrons la vie, les coutumes de cette époque dure, cruelle ( il y a encore des esclaves en Angleterre et leurs propriétaires ont tous les droits sur eux) mais pleine d’espoir car peu à peu la société s’organise c’est l’aube … … Le village se nomme alors Kingsbridge…

Lancez-vous dans l’aventure !

Les vestiges du jour

J’ai eu envie de vous parler d’un magnifique roman que j’ai lu récemment grâce à une amie qui en avait gardé un souvenir émouvant…En effet, ce livre m’a à la fois émue, révoltée et bouleversée… à vous de voir…et bonne lecture!

Michèle Ronney

LES VESTIGES DU JOUR de Kazuo Ishiguro

 Le  5 octobre 2017, le prix Nobel de littérature était décerné à l’écrivain britannique d’origine japonaise Kazuo Ishiguro.    Kazuo Ishiguro, né à Nagasaki le 8 novembre 1954,« a révélé, dans des romans d’une grande force émotionnelle, l’abîme sous l’illusion que nous avons de notre relation au monde », déclarait à  cette occasion la secrétaire perpétuelle de l’Académie suédoise, Sara Danius.

Écrit en 1989, « The Remains of the Day » récompensé par le Booker prize de la même année et traduit de l’anglais en français par Sophie Mayoux, a été porté à l’écran par le réalisateur américain James Ivory; cette talentueuse production est magnifiquement servie par une brillante distribution  avec, notamment Anthony Hopkins et Emma Thompson, mais malgré la réussite de ce film, je conseillerais de découvrir le roman avant de voir éventuellement son adaptation…l’imaginaire de chacun d’entre nous est si riche qu’il ne faut jamais s’en priver!

Le Roman: 

Dès les premières pages du roman, on est frappé par l’extraordinaire écriture de Ishiguro : un alignement de mots d’une précision méthodique, l’art du détail et de la finesse sans doute poussés à l’extrême, tout comme chacun des gestes et chacune des certitudes de ce maître d’hôtel qui se confondrait  avec le roi d’une aristocratie anglaise tombée à la fois en ruine et dans une désuétude pathétique. 

Pendant que l’Histoire, la « grande » fait semblant de se jouer dans les salons encaustiqués d’un château en déroute, et que résonnent les premi2B61008C-BEC2-4823-A849-57DD204ED033ères salves nazies, Stevens,(le Maître  d’Hôtel) personnage magnifique et narrateur de sa propre histoire, cherche presque obsessionnellement la « dignité »en construisant jour après jour l’image tragique d’une vie gâchée. 

C’est avec une espèce d’insolente dominance qu’il se plie et surenchérit les protocoles et étiquettes des allégeances dues à la haute société anglaise. Aucun questionnement, aucune réflexion ne viendra fissurer cette vie entièrement vouée à l’obéissance à tout prix. Son aveuglement symbolise non seulement celui d’une époque, mais sans doute également notre propre inconscience, nous qui acceptons, sans insoumission probante, notre servitude sociale. 

Car quelle différence entre le respect de Stevens envers les règles imposées par sa condition – qui ne sera jamais remise en question – et notre soumission actuelle au Capital et à la soi-disante doxa des « lois du marché » ?

Mais au delà de cet aspect politique puissant de l’œuvre, c’est également la bouleversante histoire d’un amour bâillonné, rejeté, terrassé, qui restera longtemps dans l’esprit du lecteur : un amour que la mémoire faussement défaillante de Stevens réduit à quelques événements anodin, s’étalant sur plus de 30 ans, et qui laisse à la fin, un amer goût de cendres.