L’escalade dans la peau.

Dans cette rubrique PORTRAITS et TALENTS, qu’assure Denise Clémenceau- Printz,  nous voulons grâce à Vivre l’Yonne présenter  des femmes et des hommes, comme tant d’autres que nous croisons journellement. Nous les distinguons parce que ces anonymes, même sans notoriété,  se réalisent à travers une passion, un savoir faire, un don, une virtuosité, un mérite…., et ont des attaches avec l’Yonne.

L’escalade, Maxime Simoneau, dit Max depuis le lycée, qui aura 70 ans dans 3 mois, la découvre par la lecture  « J’avais lu le livre de Frison-Roche, Premier de Cordée, cette histoire de super-héros qui me semblait inaccessible à moi pas du tout sportif, maladif et binoclard, fumant, jusqu’à la trentaine »….

Mais le déclic miracle s’est produit au hasard d’une rencontre lors d’un séjour au ski, de celui qui allait devenir un ami, lui faisant faire, avec sa jeune femme, Marie-France, dite Francette, en 12 jours le tour du Mont-Blanc.

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l’escalade, il faut vraiment que cela soit une passion

« J’ai alors ressenti une frustration totale de ne pas aller voir ce qu’il y avait derrière ».  2 ans plus tard, il accomplissait sa 1ère escalade lui correspondant vraiment. « Je suis kinesthésique, je pense avec mes mains, tellement j’ai la sensation nerveuse consciente de mes muscles, mes doigts sont maintenant déformés, mais ne me font pas souffrir, mais je crois que je pourrais tenir accroché par un doigt tout un après-midi »…Il croit que cette force est due à la pratique de la guitare jusqu’au baccalauréat, qui lui a développé les fléchisseurs profonds ! Avec le CAF (Club Alpin Français) il est très actif, tant sur le plan national, que dans l’Yonne, où il est formateur aux Rochers de Mailly le Chateau, où deux fois par semaine, lorsque la météo est favorable, il forme des grimpeurs à la discipline qu’il affectionne.

PROFESSEUR DE SCIENCES NATURELLES

Max a le sens aigu du temps, il le gère avec une grande économie, ce qui lui permet de mener de front de nombreuses activités. C’est ainsi qu’étudiant à Dijon, il a réussi avec succès le CAPES, lui permettant d’enseigner en collège, puis en lycée. Mai 1968 est venu chahuter ses études, période au cours de laquelle le jeune étudiant assez réservé s’est affirmé, a pris la parole, est devenu le Président de la corporation UNEF des étudiants en sciences de Dijon,  a fait entendre sa voix auprès d’autres facultés. « Je n’ai pas pris de coups sur la figure mais j’ai été confronté à quelques batailles rangées dans les amphithéâtres avec des groupes d’extrême droite et pour défendre les étudiants, et surtout les jeunes filles, les chaises en tubes faisaient d’excellents boucliers contre les manches de pioches », période finalement positive pour lui.

Malgré une filière littéraire, il devient professeur de sciences naturelles. Là encore, il se démarque en ajoutant aux cours théoriques des travaux pratiques, « la science, cela se vit », affirme-t-il. Nommé à Brienne le Château, il est ensuite muté dans l’Yonne – son département d’origine – où il enseignera dans divers collèges, Tonnerre, Vermenton, Paul-Bert à Auxerre, puis les lycées Fourier et Jacques Amyot où il achève sa carrière en 2008.

A l’enseignement des sciences naturelles, il ajoute celui du journalisme, lorsque l’état veut développer le pédagogie par la lecture des journaux, trouvant que les jeunes ne lisent pas assez. La création du CLEMI – Centre de liaison et d’enseignement des moyens d’information – auquel il adhère lui permet de suivre des stages de formation avec des professeurs d’écoles de journalisme et dans l’audio-visuel. « J’accepte tout pour savoir ce que c’est », explique-t-il, c’est ainsi qu’il favorise la création d’une association à Auxerre pour organiser des séjours linguistiques et culturels avec le Danemark, et toute l’intendance qui en découle….Il se retrouvera aussi 15 jours aux USA comme correspondant des Affaires Etrangères à Baton-Rouge pour défendre la supériorité de la langue française dans le cadre des projets d’actions éducatifs pour la promotion du français.

LA MUSIQUE AUSSI

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Plus près du sol, avec une gamme mineure mélodique ascendante qu’avec l’escalade !

Mais l’éclectisme de Max ne s’arrête pas là… Lorsqu’il enseigne au collège Paul-Bert d’Auxerre, il rencontre Yves Simard, également professeur, musicien dans l’âme, qui dirige l’Harmonie d’Auxerre. Une chorale est créée, que Max et Francette rejoignent. Max se souvient des discussions passionnées pendant les temps libres avec Yves Simard, « un énorme copain, nous parlions de tout, j’avais l’impression qu’il connaissait réellement tout, je pense d’ailleurs que j’ai toujours refusé moi aussi de me spécialiser, littérature, science, arts, même celui qui ne sait pas bricoler est infirme » !! Yves Simard le convaincra aussi d’apprendre à jouer du trombone, pour étayer le pupitre à l’orchestre de l’Harmonie, instrument qu’il pratique avec plaisir depuis une dizaine d’années seulement, même si la trompette ou le saxophone l’auraient davantage attiré.

Mais les années noires arrivent. « Francette, dépressive, m’avait  alors rejointe dans l’escalade pour reprendre une vie la meilleure possible, une vraie thérapie pour elle ».

Aujourd’hui, Max est seul dans la grande maison héritée de sa famille,  les abeilles, les légumes, les fruits, le bois de chauffage occupent une partie de ses journées. Leur fille, Isabelle, chercheur à l’INSERM, lui prodigue toute son affection, avec 4 petits enfants qui lui réchauffent le cœur. « Mais, dit-il, je suis en roue libre, je vis sur l’élan depuis le départ de Francette, si je veux vraiment être honnête, je me demande à quoi sert tout cela »…

Pourtant, l’escalade est son oxygène, sans parler de son investissement à l’EPI, dont il est secrétaire, association de sa commune à l’origine de nombreuses animations dans ce village d’environ 300 habitants et participant au fonctionnement de « l’épicerie communautaire ». Tout comme il pense à la prochaine marche du Club Alpin Français « Auxerre-Vezelay » du 29 avril prochain, dont il est l’un des efficaces organisateurs.

au sommet du pic d'Aneto
l’escalade pour tutoyer les nuages

Et dans sa tête, les jours gris, de beaux souvenirs jaillissent, celui notamment, où debout au sommet du la Dent du Géant à 4013 mètre d’altitude,  tenant tout juste avec 3 autres amis sur une petite plate-forme, un Mirage a fendu le ciel, a rasé le sommet et incliné ses ailes pour saluer les alpinistes éblouis par cette apparition.

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HISTOIRE DE FAMILLE. Si Max est né dans la maison où il vit, sa naissance est le fruit d'une véritable épopée. Son père, Raymond, né en 1916, se destinait à être instituteur. Son propre père, ruiné par deux années de récoltes infructueuses, n'a pu continuer à payer ses études et Raymond est venu travailler à la ferme familiale pendant la crise des années 29-30. Puis, le service militaire du jeune homme le mène à l'autre conflit de 39-45. Il sera captif pendant 5 ans en Allemagne, dans une ferme où il rencontrera Petrinella, jeune Ukrainienne, déportée également... Belle histoire d'amour s'il en est, puisque Raymond, malade, est rapatrié sanitaire en France et Petrinella, avec une adresse griffonnée sur un petit bout de papier, traversera la moitié de l'Allemagne et de la France et arrivera dans un hameau d'Etais la Sauvin, chez les parents de Raymond... Un premier fils va naître avant Maxime, qui ne peut retenir quelques larmes en évoquant le périple de ses parents, émotion qu'il pense tenir de l'âme slave de sa maman...

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