Ségur de la santé

Le Ségur de la santé; qu’en est-il ? pour vous informer au mieux nous nous contentons de reproduire les informations puisées dans la  lettre n°24 d’août  de l’ARUCAH BFC 16 B rue de Vesoul 25 000 Besançon.  

Ségur de la santé, entre décentralisation et déconcentration.

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Le Ministre

Des décisions au plus près des territoires : un consensus
Depuis son lancement officiel le 25 mai, le Ségur de la santé a suscité un nombre considérable de contributions et de propositions de toutes sortes, émanant d’horizons les plus divers. Pour prendre l’exemple de notre région, la CRSA (Conférence Régionale de la Santé et de l’Autonomie) réunie le 17 juin, a fait connaitre ses propositions (cf la lettre n° 23), sa réflexion ayant été alimentée par des contributions émanant de plus d’une quinzaine d’acteurs locaux dont de nombreuses associations.
Parmi les thèmes le plus souvent mis en avant, on trouve en bonne place : le renouveau de la démocratie en santé, le rôle des territoires, la place des élus et des collectivités territoriales, le rapprochement du sanitaire et du médico-social, Ces thèmes déjà intégrés au plan « ma santé 2022 » ont été largement repris dans les discours officiels entendus durant la période de crise.
Pour répondre à ces vœux, 2 démarches sont possibles : la déconcentration : l’État garde la décision, mais la rapproche du terrain, et la décentralisation : la décision appartient aux collectivités territoriales et donc aux élus de proximité.

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Image empruntée au journal L‘Est Éclair

Les EHPAD au cœur du débat de la décentralisation :
Le secteur médico-social couvre un champ très large : handicap, enfance, solidarité, personnes âgées… mais nous ne retiendrons que ce dernier qui est actuellement source de préoccupations importantes pour beaucoup de nos concitoyens.
Le 8 juillet, réunies sous le label « Territoires Unis », les associations des maires de France (AMF), des départements de France (ADF) et des régions de France (ARF) ont rendu publique leur contribution au Ségur de la santé préconisant en particulier que le département soit le « seul pivot des politiques médicosociales et sociales » et souhaitant que « le rôle des ARS soit limité au seul champ sanitaire.
Pour les EHPAD, les ARS, pour la partie sanitaire, et les départements, pour la partie hébergement, assurent aujourd’hui une double tutelle, source de lourdeurs administratives, contraignantes pour les conseils de surveillance et les directeurs.
Le scénario de l’ADF est contesté par certaines fédérations et associations d’acteurs de ce secteur. Marc Bourquin, ancien directeur du pôle médico-social de l’ARS Ile de France, aujourd’hui conseiller « stratégie » de la FHF, (Fédération Hospitalière de France) particulièrement chargé de l’organisation des parcours, de la proximité, des coopérations et des territoires, a clairement déclaré au JDD du 12 juillet :« ne confions pas la gestion des EHPAD aux départements… un tel changement de gouvernance marquerait la fin d’une politique nationale pour les soins dans les maisons de retraite … ce serait une décision très grave car ça accroîtrait les inégalités déjà existantes entre les territoires ».
Le Syncass CFDT s’est lui-même montré (9 juillet) très réservé sur les effets d’un « tel bouleversement » qui serait contraire à l’intérêt général.

Qui tranchera ?
Alors qui a raison ? Rien n’est encore arbitré. Certes il serait préférable d’avoir un seul pilote, mais on peut aussi craindre des disparités territoriales, alors que la demande d’égalité face aux risques du grand âge et de la perte d’autonomie, n’a jamais été aussi grande.
Ce seront donc nos parlementaires qui trancheront à l’occasion du débat sur la loi « grand âge et autonomie » que nous attendons toujours depuis la remise du rapport Libault (28 mars 2019), sans oublier que le principe de la création d’une 5° branche (la perte d’autonomie) du régime général, a été introduit dans le projet de loi relatif à la dette sociale et à l’autonomie, actuellement en cours d’examen par le parlement.

1- Ségur de la santé : l’accord salarial.
Le chef de l’Etat avait donné mandat au Ministre Olivier Véran d’organiser le Ségur de la santé autour de 4 enjeux (les 4 piliers) essentiels. Lancé par le 1° Ministre le 25 mai, le Ségur de la santé devait être clos le 10 juillet.
Le 1° pilier porte sur la transformation des métiers et la revalorisation des rémunérations et des carrières des personnels médicaux et para médicaux, autrement dit le volet salarial que nous avions appelé le « Grenelle de la santé ». Après 6 semaines de négociation, 2 accords ont été signés avec les partenaires sociaux le 13 juillet, correspondant à une enveloppe de 8,1 milliards d’euros, que le 1° Ministre a qualifié d’« effort historique ».
Cela n’a pas empêché les soignants de se retrouver en grand nombre, dans la rue, le lendemain 14 juillet, à Paris et en province, à l’appel des syndicats non signataires et du « collectif inter-hôpitaux », pour manifester leur insatisfaction et revendiquer une augmentation salariale de 300€ par mois.

1-1 Pour le personnel non médical.
L’accord a été signé avec la CFDT, FO, l’UNSA (sans la CGT et SUD) et la Fédération Hospitalière de France (FHF). Il compte 20 mesures réparties autour de 3 axes.

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Image empruntée à  LCI

Axe 1 –  Réévaluer les carrières et rémunérations pour rendre au service public hospitalier son attractivité :
L’accord prévoit 2 revalorisations, représentant une enveloppe de 7,5 milliards d’euros.
Mesure 1 : créer un complément de traitement de 49 points d’indice dont 24 au 1° septembre et 25 au 1° mars (soit au total 183€ nets/mois). Elle prendra effet au 1° janvier après le vote de la LFSS pour 2021, (avec effet rétroactif au 1° septembre).
Elle concerne l’ensemble des agents rémunérés sur une grille indiciaire (toutes catégories confondues), et les agents contractuels, rémunérés par équivalence.
Mesure 2 : réviser et revaloriser les grilles indiciaires des personnels soignants, médico-techniques et de rééducation (avant la fin du 1° trimestre 2021) pour reconnaitre la spécificité de leurs fonctions. Ainsi :

➣  les aides (soignant(e)s et auxiliaires de puériculture passeront en catégorie B,
➣  les corps infirmiers seront intégrés dans la grille « type » de la catégorie A,
➣  certains métiers feront l’objet d’une « réingénierie » Etc…
–  Mesure 3 : doubler le ratio promus /promouvables pour 2020 et 2021.
Mesure 4 : simplifier et rendre plus transparents les régimes indemnitaires, sans perte de rémunération pour les bénéficiaires. Ce chantier, fort complexe, sera achevé pour le 1° janvier 2022 au plus tard.
Mesures 5- 6-7: la promotion professionnelle tout au long de la carrière : facteur d’attractivité. Ainsi :

redéfinir les parcours de développement des compétences et mieux valoriser les acquis,
permettre l’acquisition d’unités de valeur tout au long de la carrière,
lancer une mission sur la formation professionnelle.

Axe 2 Sécuriser les organisations et les environnements de travail :
Mesure 8 : développer des projets pilotes sur l‘organisation du travail dans le respect de la durée légale du temps de travail (par exemple : permettre la construction des plannings en pleine autonomie, par les agents eux-mêmes), et favoriser le développement de l’hospitalisation programmée.
Mesure 9 : améliorer les remplacements par la mise en place de pools de remplaçants, et systématiser les remplacements d’absence de plus de 48 heures. Il ne s’agit pas d’une idée nouvelle car il y a déjà longtemps que des établissements ont mis en place ces pools.
Mesures 10 à 15 : stabiliser l’organisation du temps de travail, couvrir les besoins en effectifs et réduire l’emploi précaire.
Ces mesures portent sur différents aménagements techniques : heures supplémentaires, compte épargne temps (CET), annualisation du temps de travail, recours au forfait-jours, temps de repos quotidien, résorption de l’emploi précaire.
Mesures 16 à 20 : restaurer le travail collectif : réunions d’échanges professionnels, formation des cadres au management, faire de la QVT (qualité de vie au travail) une priorité, recourir à la médiation externe, garantir le temps de transmission sur le temps de travail.

A ces 20 mesures s’ajoutent 2 orientations :

– développer la négociation dans les établissements, à périodicité maximale de 3 ans, sur les thèmes définis par l’accord :conditions de travail, formation, hygiène-sécurité, insertion des handicapés, égalité hommes-femmes.
– valoriser l’engagement collectif : la prime d’intéressement collectif prévue par le décret du 13 mars 2020 sera aménagée.

Axe 3 S’assurer de la mise en œuvre du protocole :
Un comité de suivi a été mis en place dès signature de l’accord et un calendrier de mise en œuvre a été arrêté, compris entre la 1° septembre 2020 et le 1° janvier 2022.

1-2 Pour le personnel  médical.

L’accord a été signé par 3 organisations syndicales : le CMH, l’INPH, et le SNAM-HP. Il porte sur une enveloppe de 450 millions d’€, et prévoit 16 mesures réparties en 3 axes.

Axe 1 : Réévaluer les carrières et rémunérations pour rendre au service public hospitalier son attractivité :
Mesure 1 : fixer le montant de l’indemnité de service public exclusif (ISPE : compense le renoncement à exercer une activité libérale à l’hôpital) à 1010€ bruts par mois. Elle sera mise en œuvre en 2 temps : le 1° septembre pour la 1° tranche actuellement de 700€, le 1° mars pour l’ensemble.
Mesure 2 : revaloriser les grilles de salaire (1° trimestre 2021) :
Pour revaloriser les débuts de carrière, les 3 premiers échelons seront supprimés, et pour améliorer les fins de carrière, 3 nouveaux échelons (de 4 ans) (de + 5 000 à +7 000 € bruts annuels) seront créés en sommet de grille.
Mesure 3 : réformer le recours à l’emploi contractuel (1° trimestre 2021) :
Les conditions seront simplifiées par la création d’un contrat unique plus souple. Cette mesure devrait renforcer les liens ville-hôpital et préserver les activités cliniques prioritaires de l’établissement.
Mesure 4 : s’inscrire dans une démarche d’amélioration continue de la qualité dans le cadre d’un accord d’établissement (objectifs quantifiables, indicateurs de suivi, financement de la qualité) en lien avec le projet médical.

Axe 2 : Développer et valoriser les compétences tout au long de la carrière :
Mesure 5 : généraliser les entretiens de carrière.
Mesure 6 : reconnaitre les activités non cliniques par des valences.
Mesure 7 : reconnaitre des passerelles entre spécialités.
Mesures 8-9-10 : structurer et simplifier l’accès à la formation, en particulier par la simplification du DPC (développement personnel continu) et la mise en place de formations au management.
Mesures 11-12-13 : diversifier les modes d’exercice des praticiens :
➣  faciliter les passerelles entre public et privé,
valoriser les remplacements des praticiens au sein des GHT,
rendre impossible la rémunération des médecins intérimaires au-delà des conditions réglementaires (sic !). En pratique il s’agira de donner au comptable public les moyens de bloquer la rémunération et à l’ARS de saisir le juge administratif.

Axe 3 : Faire de la qualité de vie au travail une priorité :
Mesure 14-15 : promouvoir le travail collectif par la systématisation des réunions de services et par une garantie de bon fonctionnement des commissions régionales paritaires.
Mesure 16 : rendre obligatoire une visite médicale régulière (santé au travail).

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Image empruntée à la Nouvelle République

1- 3 Pour les internes et les étudiants
Ces mesures ne sont pas inscrites dans l’accord.
– les internes (30 000) bénéficieront d’une amélioration de leurs émoluments de base (de +5 à +10%), des indemnités de garde (+25%), soit une enveloppe de 124 millions d’€) et de mesures visant à assurer un meilleur respect du temps de travail,
– les étudiants en médecine (34 000) bénéficieront d’une enveloppe de 55 millions d’€, et ceux des filières paramédicales (106 000) d’une enveloppe de 20 millions d’€.

2- Ségur de la santé : les mesures pour l’hôpital
Après la signature des accords salariaux, le 13 juillet, le ministre chargé de la Santé a dévoilé le 21 juillet les autres mesures pour l’hôpital, correspondant aux 3 autres « piliers » du Ségur.
Nous ne pouvons, ici, détailler les 33 mesures présentées, d’autant qu’elles n’ont fait l’objet d’aucun document officiel. Retenons seulement les plus significatives telles qu’elles ont été rapportées par la presse nationale (voir en particulier Le Monde du 23 juillet).

La création de 4 000 lits « à la demande » :
Cette mesure doit permettre aux établissements de répondre à des pics d’activité (ce que beaucoup d’établissements font déjà), sans toutefois en indiquer les modalités.
Ces 4 000 lits (pour 101 départements) pourront ainsi venir compenser les 4 200 (sur 395 670), supprimés en 2018 dans les 3 042 hôpitaux et cliniques. C’est la réponse à une revendication récurrente des soignants Cette mesure fait l’objet d’une enveloppe de 50 millions d’euros qui pourra être débloquée dès l’hiver prochain. Elle devrait permettre de sortir de l’opposition des 2 dogmes qui s’affrontent : la fermeture systématique d’un côté, le refus systématique de toute réorganisation de l’autre.

La réduction de la part de la tarification à l’activité (T2A) :
Le Ministre a annoncé des expérimentations d’un modèle mixte, reposant sur un socle « populationnel », correspondant aux besoins de la population d’un territoire, et sur des indicateurs qualité.

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Image empruntée à l’Yonne Républicaine

Un investissement de 6 milliards d’euros :
En plus des 13 Mds d’euros déjà annoncés pour la reprise de la dette des établissements, 6 Mds supplémentaires seront ainsi répartis :

2,1 Mds d’euros seront consacrés, sur 5 ans à la transformation, la rénovation et l’équipement des établissements médico-sociaux, dont les Ehpad dont « au moins un quart des places pourront être rénovées, accessibles et conformes à la rénovation énergétique ».
2,5Mds d’euros seront engagés, sur la même période, pour des projets hospitaliers prioritaires et des investissements ville-hôpital,
1,4 Md servira à combler sur 3 ans le retard du numérique en santé.

L’adaptation de la gouvernance :
Souvent présentée comme trop administrative et technocratique surtout depuis la loi HPST, la gouvernance hospitalière devrait être :
plus participative redonnant au service une place plus importante dans les décisions,
plus médicalisée dans les instances décisionnelles.
Le Ministre a même évoqué la possibilité d’une adaptation aux situations locales.
Cette annonce reste encore floue sur son contenu et sa mise en œuvre.

Une plus grande place aux territoires :
C’est une revendication déjà ancienne qui a été fortement exprimée par les différentes contributions « post-covid » au Ségur. La proposition prend plusieurs aspects :
une déconcentration des décisions d’investissements. Le COPERMO (comité interministériel de la performance et de la modernisation de l’offre de soins), qui instruit et valide les investissements hospitaliers, mais dont le sigle reste surtout associé aux fermetures de lits et aux plans de retour à l’équilibre financier, va disparaitre.
une plus grande participation des élus à l’appréciation des besoins et aux décisions d’investissement. Les projets supérieurs à 100 millions seront examinés par un conseil national de l’investissement qui dès 2021 remplacera le COPERMO, les autres projets étant du ressort de conférences régionales d’investissement en santé au sein desquelles, les collectivités locales et les élus seront présents.
le renforcement de l’échelon départemental des ARS, bien que cette orientation n’aille pas dans le sens de la décentralisation souhaitée par de nombreux acteurs.

Le développement des téléconsultations.
Il s’agit de proroger le dispositif mis en place pendant la crise qui avait permis de s’affranchir de nombreux freins administratifs, et en particulier la suppression de l’obligation, pour le médecin, de connaitre déjà le patient avant la téléconsultation.

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