Ces héros que nous nous fabriquons

Les Français cassent leurs partis politiques, parce qu’ils ne croient plus en eux … et se fabriquent des héros. Certes ils ont fait preuve d’une audace qui les étonne encore, en abattant les uns après les autres les tenants, comment dit on déjà, … de la vieille politique ?

En élisant un homme de 39 ans, sur le devant de la scène depuis quelques mois seulement, ils ébahissent le monde entier admiratif, sans en avoir complétement conscience puisque leur choix est grandement par défaut.

Mais rapidement la ferveur extatique et spontanée se consume. Les Français veulent des actes mais ils ont besoin aussi d’un grand projet qui les enthousiasme. Pas sur que la symbolique marche solitaire du Louvre  suffise à leur appétit d’une transformation en profondeur du pays (69% des personnes interrogées pourtant le souhaitent).

Alors ils se fabriquent des héros, en pleurant leur morts.

En Décembre 2017, à deux occasions ils perdent deux célébrités et les élèvent au rang de héros.

La disparition de Jean d’Ormesson touche quasiment tous les milieux de notre société, celle de Johnny Halliday, nous saisit  par l’immensité du culte populaire.

Les hommages rendus à l’un et à l’autre, au delà de la peine ressentie, sont à la fois cause et conséquence. Leur célébrité, c’est la cause, justifiait ces hommages. Cette reconnaissance nationale, c’est la conséquence dont nous avions besoin pour nous écarter dans l’instant, malgré la tristesse, du doute et de la morosité. Penser à autre chose en célébrant les deux disparus.

C’est deux là enchantaient beaucoup de Français, chacun à leur manière bien sur. Et les Français aspirent à être réenchantés.

Jean d’Ormesson, académicien, personnage charmeur et érudit, plaisait aux uns comme aux autres. S’il n’a pas été de la veine d’un Victor Hugo  ou d’un Chateaubriand, ses qualités de romancier pleinement reconnues et de virtuose des mots dont témoignait chacun de ses passages à la télé, laissent en retrait ses engagements au service de l’État et de la presse. Pourtant il fut membre de cabinets ministériels et directeur du Figaro.

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Le cas de Johnny est plus symptomatique. Par l’admiration qu’ils portaient à leur idole, les amoureux du chanteur le hissent à la hauteur des grands, dans leur panthéon à eux. De là ou il est maintenant, il devient le mythe, la mémoire éternelle de plusieurs générations.

De bête de scène, il est passé au statut de héros décerné, par un million de fans sur les Champs Elysés et la Concorde, par quinze millions devant leur poste de télévision.

Elle, en juin, sa mort n’en a pas fait un héros. Car sa vie entière était celle d’un héros. Simone Veil disparut, elle, dans le silence et la grandeur. Sortie des persécutions nazies pendant l’occupation, après une carrière dans la magistrature, comme membre du Gouvernement, elle contribuera à améliorer le statut de la femme en portant la loi sur l’avortement, le projet le

plus emblématique du septennat Giscard d’Estaing, dont on a oublié qu’il fut le plus moderne de la 5eme République. Académicienne, elle fut une Européenne convaincue.

Et puis, l’année 2017 a vu partir  des célébrités qui nous ont enchantés sans pourtant être des héros, Mireille Darc, Jean Rochefort, Jean Marc Thibault, Jeanne Moreau, Victor Lanoux, Danielle Darieux .  Ainsi va la vie…

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